N ous avons vu que l’établissement stable est une fiction fiscale, dont les contours sont dessinés, sur mesure, pour les besoins d’imposer localement un revenu notionnel. En effet, pour déterminer l’IS local que devra payer l’établissement stable, le modèle OCDE considère l’établissement stable comme une entreprise distincte et indépendante qui a ses propres charges et produits liés à son activité, et donc son propre revenu notionnel imposable localement (cf. article sur la notion d’établissement stable).

Nous avons également vu que lorsque le siège lui refacture des frais, l’établissement stable est également réputé constituer une entreprise distincte et indépendante, ce qui justifie dans certains cas d’appliquer une marge sur les prestations facturées par le siège à son établissement stable (cf. article sur la facturation d'une marge à l’établissement stable).

Si l’on considère l’établissement stable comme une entreprise distincte et indépendante, il devrait y avoir une retenue à la source qui s’applique sur le paiement de l’établissement stable vers le siège français.

Toutefois nous allons voir qu’en principe, il n'y a pas de retenues à la source sur les paiements de l’établissement stable à son siège (I), sauf dans certains cas exceptionnels, où le contribuable sera obligé de pratiquer une telle retenue a la source (II).

I. Le principe : pas de retenue à la source

L’assimilation de l’établissement stable à une entreprise distincte et indépendante du siège justifie de créer un revenu dit "notionnel", qui existe uniquement d’un point de vue fiscal pour les besoins de la détermination d’un résultat net imposable localement.

En effet, au sens du modèle OCDE, la fiction consistant à qualifier l’établissement stable d’entreprise distincte et indépendante du siège, s’applique uniquement pour déterminer l’IS local que devra payer l’établissement stable mais ne s’applique pas aux retenues à la source.

1. Ni pour les paiements d’intérêts

Les commentaires OCDE excluent expressément l’application d’une retenue à la source sur les intérêts qu’un établissement stable paye au siège.

En effet, le modèle OCDE en son article 7 § 28 dispose « La fiction de l’entreprise distincte et indépendante ne s’étend pas à l’article 11 et, aux fins de cet article, une partie d’une entreprise ne peut être considérée comme ayant payé des intérêts à une autre partie de la même entreprise. »

2. Ni pour les services techniques

Si les commentaires OCDE visent uniquement les retenues à la source sur intérêts (article 11), le même raisonnement pourrait être appliqué aux services techniques (article 12) puisqu’ils sont tout autant rattachables au revenu notionnel de l’établissement stable que les intérêts.

En effet, le modèle OCDE prévoit plus largement sous ses commentaires de l’article 7 paragraphe 28:

«La fiction d’une entreprise distincte et indépendante qui est prévue par le paragraphe 2 est limitée à la détermination des bénéfices qui sont attribuables à un établissement stable. Elle ne s’étend pas à la création d’un revenu notionnel de l’entreprise qu’un État contractant pourrait imposer en tant que tel en vertu de sa législation nationale en soutenant que ce revenu est couvert par un autre article de la Convention qui, en vertu du paragraphe 4 de l’article 7, autorise l’imposition de ces revenus nonobstant le paragraphe 1 de cet article. »

(ndlr : Le paragraphe 4 de l’article 7 prévoit que lorsque l’imposition d’un revenu est visée expressément par un autre article de la convention, son imposition ne relève plus de l’article 7)

« Supposons, par exemple, que les circonstances d’un cas particulier justifient que l’on envisage d’attribuer au siège social la propriété économique d’un bâtiment utilisé par l’établissement stable […]. Dans un tel cas, le paragraphe 2 pourrait exiger la déduction d’un loyer notionnel dans la détermination des bénéfices de l’établissement stable. Toutefois, cette fiction ne pourrait être interprétée comme donnant naissance à un revenu immobilier aux fins de l’article 6. En effet, la fiction prévue par le paragraphe 2 ne modifie pas la nature des revenus obtenus par l’entreprise ; elle s’applique simplement pour déterminer les bénéfices attribuables à l’établissement stable aux fins des articles 7, 23 A et 23 B. »

Pour ces raisons, nous arrivons à la conclusion que tous les paiements relatifs à la détermination d’un revenu notionnel de l’établissement stable (au sens, paiement ayant contribué à la détermination du résultat fiscal imposable localement de l’établissement stable), sont donc exclus du champ d’application des retenues à la source notamment des articles 11 et 12 de la convention.

II. les exceptions

Nous comptons deux cas dans lesquels une retenue à la source pourra être appliquée sur les paiements d’un établissement stable à son siège français.

1. La branch tax

Certaines conventions fiscales prévoient que le bénéfice de l’établissement stable qui remonte vers le siège français subit une retenue à la source. Cette retenue à la source est généralement appelée "branchtax", et se retrouve dans l’article sur les dividendes (article 10 du modèle OCDE).

2. Les retenues à la source hors champ de la convention

Certains Etats, très créatifs et quelque peu de mauvaise foi, créent des retenues à la source qui ne sont pas visées par la convention.

Concrètement la retenue à la source est exclue du champ de la convention (article 2 du modèle OCDE) et dans ce cas elle frappe, sans aucune modération, le paiement effectué par l’établissement stable vers le siège en France.

Suites de l’article : la facturation d’une marge à l’établissement stable


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