Qu’est-ce qu’une convention fiscale internationale ?
C ous l’avons vu précédemment, il existe des situations de double imposition lorsque les acteurs économiques agissent au travers des frontières. Le rôle des conventions fiscales est donc de supprimer cette double imposition.
Il s’agit de conventions bilatérales passées entre deux États. Elles sont le plus souvent basées sur le modèle mis en place par l’OCDE. La France a conclu de telles conventions avec plus d’une centaine de pays, 122 pour être précis (2015).
Je vais ainsi vous présenter le corps global d’une convention (I), puis son champ d’application (II). Je vous ferai part ensuite du mécanisme de telles conventions (III) pour en terminer par leurs spécificités (IV).
I - La composition d’une convention
Le modèle de convention OCDE (OECD-MC) est composé de 7 chapitres.
- Le premier chapitre est consacré au champ d’application de la convention. C’est à dire aux personnes auxquelles la convention s’applique ainsi qu’aux impôts et taxes qu’elle comprend.
- Le deuxième chapitre contient les définitions des termes les plus importants de la convention.
- Le troisième chapitre détermine le/les État(s) qui pourront taxer et imposer les différents revenus.
- Le quatrième chapitre est relatif quant à lui aux droits des États de taxer ou d’imposer le capital.
- Le cinquième chapitre explique quelles sont les méthodes permettant l’élimination de situations de double imposition.
- Les deux derniers chapitres comprennent des clauses spéciales.
II - Le champ d’une convention
Les conventions fiscales s’appliquent à certaines personnes disposant de certains capitaux et/ou ayant certains revenus soumis à certains impôts et certaines taxes. Difficile de faire plus vague !
C’est pourquoi je vous explique ci-dessous les personnes physiques/morales qui peuvent bénéficier des conventions fiscales et quels sont les impôts et taxes concernés.
Les conventions s’appliquent donc aux personnes. Selon l’OECD-MC, les personnes comprennent un individu, une société ou tout autre corps de personnes. Il faut entendre par « société » toutes sortes de personnes morales qui soient traitées d’un point de vue fiscal comme une entreprise.
Dès lors, les conventions s’appliquent aux « personnes » résidentes d’un État cocontractant.
Se pose un problème lorsqu’une même personne est résidente dans les deux États cocontractants. Dans ce cas, et comme au tennis, on utilise le « tie break ».
Ce « tie break » se compose de la manière suivante :
- tout d’abord on tient compte du lieu principal d’habitation/d’établissement ;
- si le premier critère est indéterminable, on va chercher le pays où se situe le centre d’intérêt principal de la personne (lieu de la famille/siège de direction effectif d’une société …) ;
- dans le cas où les deux premiers critères n’auraient pas permis de déterminer le lieu de résidence, il convient de rechercher où l’individu passe le plus de temps ;
- ensuite on recherchera la nationalité ;
- dès lors, si aucun critère n’a permis de déterminer le lieu de résidence de l’individu ou de la société, il y aura un accord passé entre les deux États concernés qui déterminera le lieu de résidence de la « personne ».
Il existe un cas particulier pour les établissements stables. En effet, ceux-ci ne sont pas indépendants des sociétés mais pour autant ils assurent le rôle de siège d’une société dans un autre État. Ainsi, selon le sens de l’OECD-MC, un établissement stable, n’est PAS une personne imposable. Les établissements stables ne peuvent donc prétendre aux clauses contenues dans les conventions.
Enfin, la convention s’applique aux impôts et taxes sur les revenus et sur les capitaux prévus par un État ou par les autorités administratives locales de l’État contractant.
Les États peuvent lister les impôts et taxes concernés au sein des conventions.
Voyons à présent le fonctionnement des conventions fiscales.
III - Le mécanisme d’une convention
Afin d’éliminer les situations de double imposition, les conventions fiscales créent deux règles.
Les règles distributives (A) permettant de déterminer quel État possède le droit de taxer ou d’imposer chaque type de revenu ou de capital.
Puis les règles d’éliminations (B) permettant d’éviter les situations de double imposition.
Selon la convention, l’État source peut soit imposer sans limitations (droit d’imposer illimité ou exclusif), soit avec limitations (droit d’imposer limité) ou n’a pas le droit d’imposer.
A. Les règles distributives
Ces règles servent à déterminer quel État pourra ou ne pourra pas imposer un revenu ou un capital. Voici un rapide tour d’horizon de ces différentes règles. Ces règles sont exposées au sein des articles 6 à 22 de la convention modèle.
1. L’État de résidence possède un droit exclusif d’imposer
Certains revenus et capitaux sont imposés exclusivement dans l’État de résidence du contribuable. C'est les cas par exemple des « royalties » (article 12 de la convention modèle) ou encore des profits des compagnies aériennes et de transport maritime (article 8).
À titre d’illustration, une société résidente dans l’État A accorde une licence commerciale à une société résidente de l’État B. L’article 12 de la convention modèle exclue l’État B d’un quelconque droit d’imposer les royalties.
2. Les profits commerciaux
La convention modèle détermine qu’un État ne devrait pas imposer des profits commerciaux réalisés sur son territoire par une entreprise située dans l’autre État contractant de la convention.
Toutefois, de tels profits peuvent être imposés dans l’État duquel les profits sont réalisés lorsque l’activité dans cet État est réalisée au travers d’un établissement stable. Dès lors, l’État dans lequel se situe l’établissement stable possède un droit illimité d’imposer et l’État cocontractant dans lequel l’entreprise est résidente possède un droit résiduel d’imposer et a l’obligation d’éviter une double imposition.
Dès lors, une société résidente dans l’État A réalise des profits dans l’État B au travers d’un établissement stable. L’État B possède un droit illimité d’imposer les bénéfices réalisés par l’établissement stable et l’État A qui possède un droit résiduel d’imposer ces bénéfices doit éviter une situation de double imposition.
3. L’imposition illimitée dans l’État à la source du revenu/capital
La convention modèle accorde un droit illimité d’imposer à l’État dans lequel se situe la source de certains revenus ou capitaux. L’État de résidence dispose donc d’un droit résiduel d’imposer et possède, dans ce cas encore, l’obligation d’éviter la double imposition. C’est notamment le cas revenus issus de biens immobiliers ou de la vente de tels biens (articles 6 et 13 de la convention modèle).
Ainsi, une entreprise résidente de l’État A réalise des revenus dans l’État B grâce à la mise en location d’un immeuble situé dans cet État. L’État B possède le droit illimité d’imposer les revenus réalisés par la société située dans l’État A sur le bien immobilier situé sur le territoire de l’État B. L’État A qui possède donc un droit résiduel d’imposer a l’obligation d’éviter… sans surprises, la double imposition.
4. L’imposition limitée dans l’État à la source du revenu/capital
La convention modèle prévoit certaines situations dans lesquelles l’État à la source du revenu ne dispose qu’un droit limité d’imposer ledit revenu. Il s’agit notamment des intérêts et des dividendes (articles 11 et 10). Ainsi, les deux États (source et résidence) possède un droit partagé d’imposer. Le taux d’imposition de l’État source sera donc limité et l’État de résidence aura l’obligation d’éviter la double imposition.
Dès lors, une société résidente de l’État A accorde un prêt à une société résidente de l’État B. L’État B possède un droit primaire d’imposer les intérêts payés par la société B. Le taux d’imposition est limité à 10% dans l’État source (article 11 - 2). L’État A possède un droit résiduel d’imposer les intérêts reçus par la société A.
5. L’imposition exclusive dans l’État à la source du revenu
Certains revenus sont imposés exclusivement dans l’État à la source desdits revenus. L’État de résidence ne possède donc aucun droit d’imposition sur ces revenus. C’est le cas de l’article 19 de la convention modèle qui prévoit que si un individu qui est résident de l’État A et qui est employé par un gouvernement de l’État B, ce dernier possède le droit exclusif d’imposer les rémunérations versées au résident de l’État A.
B. Les règles d’élimination de la double imposition
Bien entendu, on l’a vu ci-dessus, l’État de résidence possède souvent l’obligation d’éviter les situations de double imposition.
Pour ce faire, les articles 23 A et 23 B de la convention modèle prévoient deux méthodes pour supprimer une situation de double imposition :
- le crédit
- l’exonération
Ainsi, si l’État source du revenu est exclu du droit d’imposer ou au contraire possède un droit exclusif d’imposer, l’État de résidence n’a pas besoin de recourir à une méthode d’élimination d’une situation de double imposition puisqu’il n’y a pas, dans ces cas, de double imposition.
En revanche, si l’État source possède un droit limité d’imposer, alors l’État de résidence doit appliquer la méthode du crédit pour éliminer la double imposition.
Enfin, si l’État source a un droit illimité d’imposer, alors l’État de résidence doit utiliser la méthode de l’exemption pour éviter la double imposition.
IV - Particularités
Les derniers chapitres de la convention modèle prévoient certaines particularités.
Le chapitre VI prévoit notamment d’éliminer toutes discriminations fiscales, ou organise les procédures à mettre en oeuvre, ou encore les échanges d’informations entre les États.
Le chapitre VII comprend des provisions finales telles que la ratification, la date d’entrée en vigueur, la date de fin d’application de la convention.
Et ne l’oubliez pas, il existe à la fin des conventions un protocole. Ce protocole apporte des précisions aux articles de la convention. Heureusement, Romain vous en parle en détail dans son excellent article ici.
Dans le prochain article je vous expliquerai en détail comment lire une convention fiscale internationale.
RABAH CHERIGUENE
Envoyé le 15/02/2021