L a société Steria possède à la fois des filiales en France mais également sur d’autres territoires de l’Union européenne. Cette société a donc créé un régime d’intégration fiscale entre elle et ses filiales françaises. Cependant, une des conditions du régime d’intégration fiscale est que toutes les sociétés bénéficiant de ce régime doivent être situées sur le territoire français. Dès lors, les filiales de la société Stéria situées à l’étranger, et notamment dans d’autres pays de l’Union européenne ne peuvent bénéficier de ce régime.

Un des avantages majeur de ce régime est la possibilité de déduire du résultat la quote-part de frais et charges (QPFC) de 5% sur les dividendes qui remontent à la société mère. Par conséquent, les dividendes provenant des filiales européennes ne peuvent bénéficier de la déduction de cette QPFC puisque ces même filiales ne font pas parties du groupe fiscalement intégré.

C’est justement sur cet élément que la société Steria se base pour tenter de déduire la QPFC sur les dividendes qu’elle perçoit de ses filiales européennes.

La question ainsi posée à la Cour de Justice de l’Union européenne par la Cour administrative d’appel de Versailles via un arrêt du 29 juillet 2014 (12VE03691, société Groupe Steria) est la suivante : l’imposition de cette QPFC sur les dividendes perçus des filiales européennes entraîne-t-elle une restriction à la liberté d’établissement ?

L’avocat général Juliane Kokott estime que « le régime d’intégration fiscale est plus avantageux pour les sociétés mères qui détiennent une participation directe ou indirecte d’au moins 95% dans une société résidente que pour les sociétés mères détenant une telle participation dans une société établie dans un autre État membre ».

Selon l’article 216 du CGI, les produits nets des participations peuvent être retranchés du résultat, défalcation faite d’une QPFC de 5%. Toutefois, pour bénéficier de cette exonération équivalente à 95% des dividendes perçus par la société mère, la participation dans la filiale doit représenter au moins 5% du capital de cette dernière et les titres doivent être conservés pendant 2 ans (article 145 du CGI).

L’avantage du régime de l’intégration fiscale prévu à l’article 223 B du CGI est justement de pouvoir déduire cette QPFC et ainsi permettre une exonération à 100% des dividendes perçus. Toutefois ce régime est soumis à plusieurs conditions, et parmi elles se trouve l’obligation pour les deux sociétés d’être soumises à l’impôt sur les sociétés français. Ce qui exclut donc les sociétés non-résidentes.

Ainsi, cette différence de traitement entre les sociétés résidentes françaises et celles non-résidentes entraînerait donc, d’après les conclusions de l’avocat général, une restriction à la liberté d’établissement reconnue par l’article 43, premier alinéa, CE et l’article 48 CE (la liberté d’établissement est maintenant prévue par l’article 49 du TFUE). En effet, la liberté d’établissement est protégée ainsi : « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. »

On attend donc que la CJUE se prononce dans cette affaire C-386/14 (date non disponible). Si la CJUE se prononce dans le sens des conclusions de l’avocat général (ECLI:EU:C:2015:392), on espère qu’elle sera transposée en droit français par la suppression pure et simple de cette QPFC de 5% et non par la suppression de la déduction de cette QPFC pour les filiales françaises intégrées fiscalement.

En outre, il convient de s’interroger sérieusement sur notre processus législatif interne. En effet, comment peut-on imaginer que le législateur crée des lois qui ne sont pas conformes au Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne ? N’oublions pas que le 26 janvier 2015 la CJUE avait déjà estimé que la France ne respectait pas un règlement CEE. Vous ne vous en souvenez pas ? C’est par ici que ça se passe : Résidents français, travailleurs européens et contributions sociales : une question à la CJUE.


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