Nous faisons suite à l’article sur les relations entre un siège français et son établissement stable à l’étranger, en étudiant au cas particulier si le siège français doit facturer une marge à son établissement stable lorsqu’il lui rend des services.

L orsqu’une entreprise française facture des services à une autre entreprise française, elle doit appliquer des prix de pleine concurrence, sous peine de voir son résultat fiscal reconstitué sous le motif de l’acte anormal de gestion. Lorsqu’une entreprise française facture des services à une filiale étrangère, elle doit également appliquer des prix de pleine concurrence, sous peine également de voir son résultat fiscal reconstitué sous le motif, cette fois-ci, des prix de transfert.

Si l’on considère l’établissement stable comme le prolongement à l’étranger du siège français, rien ne s’oppose à ce que les flux entre le siège et l’établissement stable soient à prix coûtant. Or, dans la mesure où l’OCDE a tendance à considérer l’établissement stable comme une entreprise distincte et indépendante, les services qu’un siège français rendà son établissement stable devront être, sous certaines conditions, facturés avec une marge.

Cette marge va minimiser le résultat imposable localement au niveau de l’établissement stable et majorer le résultat imposable français au niveau du siège. En conséquence cette marge va donner lieu à de vives discussions parce que l’administration fiscale étrangère aura tendance à contester l’application de cette marge, tandis que l’administration fiscale française ne s’y opposera pas.

A priori, l’approche OCDE, qui consiste à appréhender l’établissement stable comme une entreprise distincte et indépendante (cf. article Les relations entre le siège français et son établissement stable), pourrait avoir comme conséquence d’appliquer nécessairement une marge sur tous les services techniques rendus par le siège à l’établissement stable. Toutefois, l’approche OCDE est plus subtile sur ce sujet en distinguant les dépenses selon un critère de « l’intérêt ».

Nous allons donc voir comment l’application d’une marge est conditionnée au critère de l’intérêt (I), puis illustrer cette théorie avec des exemples pratiques (II).

I. Le critère de l’intérêt

Pour les dépenses qui sont engagées dans l’intérêt unique de l’établissement stable, une marge devra être facturée :

Les commentaires OCDE sous l’article 7 § 32 disposent en effet :« le transfert interne de biens et de services [doivent être facturés] au prix de pleine concurrence, c’est-à-dire en incluant normalement dans le prix de vente un bénéfice […]si la dépense a été originairement exposée dans le cadre d’une fonction visant directement à réaliser un chiffre d’affaires sur un bien ou sur un service spécifique et à réaliser un bénéfice par le truchement d’un établissement stable. »

pour les dépenses qui sont engagées dans l’intérêt de l’ensemble du groupe ou, au moins en partie, dans l’intérêt du siège, il n’est pas possible de facturer une marge :

Les commentaires OCDE sous l’article 7 § 32 disposent en effet : « Par contre, la réponse sera négative [donc le prix de vente n’inclut pas de bénéfice] si, à la lumière des faits et circonstances d’un cas particulier, il résulte que la dépense a été originairement exposée dans le cadre d’une fonction visant essentiellement l’optimisation des coûts de toute l’entreprise ou la promotion générale de son chiffre d’affaires »

II. Illustrations

Exemple 1

Un siège français rend des services techniques d’ingénierie (ex : des plans et des études) pour la construction d’une plateforme pétrolière dans un pays X.

Les travaux de construction s’étalent sur plus de six mois et l’on considère qu’il y a établissement stable dans ce pays X (ce sera le cas, si la convention entre la France et le pays X reprend l’article 5 du modèle OCDE).

Les services techniques d’ingénierie qui sont réalisés au siège n’ont d’intérêt que pour cet unique projet dans ce pays X et seront différent pour un autre projet dans un autre pays.

Par conséquent ces services techniques d’ingénierie permettent de réaliser un bénéfice dans le pays X alloués uniquement à cet établissement stable. Ils sont engagés dans l’intérêt unique de l’établissement stable et devront par conséquent être facturés à un prix de pleine concurrence incluant une marge.

Exemple 2

Un siège français rend des services de formation (ex : en comptabilité et fiscalité internationale) à ses succursales à l’étranger, et notamment à sa succursale du pays Y.

On considère que dans ce pays Y la succursale est imposée selon les règles de l’établissement stable (ce sera le cas si la convention entre la France et le pays Y reprend l’article 5 du modèle OCDE).

Ce service de formation donne des informations générales qui ne sont pas spécifiques à la succursale du pays Y.

Dans ce cas les services techniques facturés par le siège français à l’établissement stable du pays Y sont inclus dans les frais généraux d’administration du siège français et ont bien été engagés dans l’intérêt de l’ensemble du groupe. Ils seront facturés selon leur coût réel sans marge.

Suite de l’article : l’établissement stable doit-t-il pratiquer une retenue à la source sur les prestations facturées par son siège ? 


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