Afin de stimuler l’économie réelle, Bercy a eu la brillante idée de faciliter les transmissions de liquidités entre générations. L’objectif est déterminé : « favoriser le réinvestissement de l’épargne accumulée par les particuliers vers le financement de notre économie en vue de la relance ».
En effet, les parents et grands-parents ont constitué de l’épargne durant leur vie ; épargne qui dort sur un certain nombre de livrets et / ou assurance-vie. Or, ce sont les générations suivantes qui ont besoin de liquidités pour construire leur foyer ou investir dans leurs projets.
La 3è loi de finances rectificative pour 2020 a instauré une nouvelle exonération de 100.000 € en faveur des transmissions de liquidités consentis au profit d’un descendant.
Si cette nouvelle exonération est louable, les conditions qui y sont attachées sont tellement restreignantes qu’il s’agirait en réalité de poudre de perlimpinpin !
1. Donateur ou donataire ?
Les conseils fiscaux ont l’habitude de traiter des abattements en matière de dons. Il en existe un certain nombre, dont le plus connu reste l’abattement de 100.000 € applicable en matière de succession, mais également en matière de donation. Cet abattement est applicable par donataire (c’est-à-dire celui qui reçoit le don).
Ainsi, un couple ayant quatre enfants pourrait transmettre 800.000 € à leurs enfants en toute franchise d’impôt (100.000 euros par enfant et par parent ; soit 100.000 € x 4 x 2).
La subtilité de la nouvelle exonération de 100.000 € dont il est question ici est qu’elle n’est plus limitée par donataire, mais par donateur (celui-qui donne) : cette nouvelle exonération doit être divisée par le nombre de donataires. Or, comme nous allons le voir ci-après, les donations visées par cette nouvelle exonération doivent être affectées à des opérations bien précises ; et au vu des sommes nécessaires pour la réalisation de tels projets, cette seule exonération ne saurait suffire à stimuler efficacement l’économie réelle.
2. La recette de la poudre de perlimpinpin
Pour pouvoir prétendre à cette nouvelle exonération, il faut que les sommes transmises soient affectées :
- soit à la souscription au capital d'une petite entreprise au sens de la réglementation européenne ;
- soit à des travaux de rénovation énergétique dans sa résidence principale ;
- soit à la construction de sa résidence principale.
Si les deux derniers points sont clairs et concis, tel n’en est pas le cas de la souscription au capital d’une petite entreprise au sens de la réglementation européenne puisque de très nombreuses conditions sont à respecter, vidant de toute efficacité cette nouvelle exonération au regard des objectifs poursuivis.
Ainsi, pour que la souscription qualifie, il faut que la petite entreprise européenne respecte les conditions suivantes :
- avoir son siège de direction effective dans l’UE, ou EEE (cette condition est simple à respecter) ;
- ne pas être cotée sur un marché réglementé (l’objectif étant de favoriser petites entreprises, cette condition se comprend tout à fait) ;
- exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (cette condition permet de sortir toutes les sociétés de gestion de patrimoine mobilier ou immobilier ainsi que les activités financières) ;
- exercer son activité depuis moins de 5 ans (l’aspect spéculatif est donc élevé , s’agissant obligatoirement de jeunes entreprises) ;
- ne pas avoir encore distribué de bénéfices (les entreprises rentables et ayant versé des dividendes sont donc exclues du dispositif) ;
- ne pas être issue d’une concentration (ne concerne qu’un très faible nombre d’entreprises nouvelles) ;
- ses actifs ne doivent pas être constitués de façon prépondérante de métaux précieux, objets de collection, d’antiquités, d’œuvres d’art… (ici aussi un certain nombre d’entreprises sont exclues du dispositif).
Ces conditions liées à l’entreprise sont couplées avec des conditions portant sur la qualité du donataire.
Il faut que le donataire exerce, pendant au moins trois ans à compter de la souscription au capital de l’entreprise, son activité professionnelle principale dans l’entreprise ou une fonction de direction de la société.
L’ensemble des conditions à respecter sont telles qu’il est compliqué d’anticiper les effets réels d’une telle exonération sur la relance de notre économie.
Existe-t-il des failles dans les conditions prévues ?
Pour couronner le tout, les sommes perçues dans le cadre de cette exonération, qui ne s’applique qu’aux dons effectués entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, doivent être affectées aux secteurs détaillés ci-dessus dans les trois mois suivant la donation. Il faut donc être en mesure d’être réactif pour réaliser ses travaux ou souscrire au capital d’une petite entreprise ; pourtant ce sont des projets qui nécessitent réflexion ainsi que du temps pour être mis en place.
JP49
Envoyé le 13/11/2020