D ans le cas où un siège français engage des dépenses, et notamment des frais de siège, pour le compte d’un établissement stable situé à l’étranger, la déductibilité de cette dépense doit être ventilée entre l’entreprise et son établissement stable.

La Jurisprudence du Conseil d’Etat donne des indices quant aux outils de répartition des frais engagés par le siège mais profitant au moins en partie à un établissement stable situé à l’étranger. La ventilation des frais généraux du siège pourra, par exemple, être déterminée en fonction du rapport du chiffre d’affaires entre le siège et l’établissement stable (CE 16 février 1983, n°28383).

La situation se complique face à l’exclusion du droit à déduction de certaines dépenses engagées par le siège au profit de l’établissement stable. En effet, le Conseil d’Etat semble se positionner en faveur d’une opacité fiscale entre l’entreprise et son établissement stable, de telle manière que ne seront pas déductibles du résultat en France les dépenses ayant été engagées dans l’intérêt de l’établissement stable (I). De plus, certaines dépenses sont explicitement privées de droit à déduction sur l’établissement stable par les conventions fiscales (II).

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En conséquence si la dépense est engagée par le siège dans l’intérêt de l’établissement stable mais se voit privée de droit à déduction par la convention fiscale, alors elle sera définitivement perdue car elle ne sera ni déductible pour le siège, ni pour l’établissement stable.

I. Non déductibilité pour le siège des dépenses engagées dans l’intérêt de l’établissement stable

1. Principe

Les dépenses engagées par le siège sont déductibles en France uniquement si elles sont engagées dans l’intérêt du siège ou, au minimum, dans le cadre de relations commerciales favorisant le maintien ou le développement de l'activité du groupe en France.

Par exemple, seront déductibles en France les frais d’étude ou de prospection commerciale engagés en vue de l’obtention d’un marché à l’étranger, même si à l’avenir ce marché devait donner lieu à un établissement stable.

A l’inverse si la dépense est dans l’intérêt unique d’un établissement stable déjà existant, elle ne pourra pas être déductible en France.

2. Illustrations jurisprudentielles

Une société française qui a engagé des frais d’étude en vue de l’implantation d’un hôpital en Chine peut les déduire en France, en dépit du fait que ces mêmes frais auraient pu être déductibles en Chine par l’entité dont la création était projetée et qui aurait constitué un établissement en Chine (CAA Marseille 1 mars 2005 n° N° 02MA02214).

La Cour Administrative d’Appel de Versailles a jugé dans une espèce de 2004 qu’une société française qui dispose d’un établissement au Vietnam, caractérisant une entreprise exploitée hors de France, quand bien même elle ne produit pas de recettes, ne peut pas déduire en France les charges afférentes à cet établissement.

II. Non déductibilité pour l’établissement stable des dépenses explicitement privées de droit à déduction par les conventions

1. Principe

Lorsque la Convention entre le pays du siège et celui de l’établissement stable exclut expressément la déductibilité d’une dépense du résultat notionnel déterminé au niveau de l’établissement stable, l’établissement stable ne peut pas déduire cette dépense, et l’entreprise française ne peut pas non plus déduire cette dépense de son résultat en France, dans la mesure où cette dépense est affectée à l’établissement stable.

Dans ce cas la dépense est définitivement perdue, alors qu’elle aurait été déductible si elle avait été engagée par un tiers.

A titre indicatif et non exhaustif, les dépenses privées de droit à déduction sur l’établissement stable par les conventions sont les suivantes :

Honoraires, redevances etc.

Certaines conventions interdisent expressément la déduction des sommes versées par l’établissement stable au siège central, lorsqu’elles constituent des redevances, honoraires, ou autres paiements similaires.

Intérêts

Certaines conventions ne permettent pas la déductibilité des intérêts versés par l’établissement stable au siège. Cette interdiction est levée dans certains cas spécifiques, notamment lorsque le siège est dans l’un des deux cas suivants :

  • pour les banques qui agissent au moyen de succursales ;

ou

  • lorsque le siège emprunte au profit de sa succursale afin de lui donner les moyens financiers nécessaires à son activité.

A défaut d’être dans l’un ou l’autre de ces cas les intérêts sont privés de droit à déduction pour le siège ainsi que  pour l’établissement stable. Par conséquent, la solution qui semble se présenter pourrait être, par exemple, d’enregistrer une filiale locale qui pourra réaliser l’emprunt en son propre nom et donc déduire les intérêts, on peut imaginer que dans ce cas, le siège interviendrait comme une caution.

Notre point est ici de démontrer qu’il existe un risque fiscal important relatif à la non déductibilité de certains frais de siège, ce qui nous amène à réfléchir sur le fait que ces dépenses pourraient être déductibles si elles étaient engagées par une filiale enregistrée qui contracte en son nom propre. La nouvelle approche OCDE qui vise à considérer l’établissement stable comme une entreprise distincte et indépendante est donc poussée tellement loin, que l’établissement stable a plus intérêt à sous-traiter la prestation à un tiers plutôt que de profiter des compétences dont le siège dispose déjà.

2. Illustrations jurisprudentielles

CE, 18 mars 1985, n°38036 : cas d’espèce d’intérêts affectés à l’établissement stable en Allemagne : « Il résulte de la combinaison des articles 209 CGI […] et 4 de la convention franco-allemande […] que seuls sont déductibles des bénéfices imposables en France les pertes, ainsi que les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges qui se rattachent à l’activité exercée en France […]. Une société ne peut déduire ni les pertes d’actif concernant un établissement stable situé en Allemagne, ni les pertes de change se rapportant au remboursement d’emprunt libellé en DM, dont elle n’établit pas que le produit aurait été affecté à ses activités en France ».

CE, 16 février 1983, n°28383 : cas d’espèce d’une entreprise en France exploitant un établissement stable en Algérie. Même dans le cas où la non imputation des frais de siège est due à une mauvaise application de la convention par l’administration Algérienne, la quote-part des frais de siège afférant à l’établissement stable ne sont pas déductible du résultat français : « La circonstance que l’administration algérienne a refusé la déduction sur les résultats de la société imposables en Algérie, la quote-part des frais de siège français, pour regrettable qu’elle soit, ne peut justifier l’imputation de ces frais sur les résultats imposables en France ».


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