La lutte contre la fraude fiscale donne un excès de créativité au gouvernement et au législateur, ceux-ci cherchant par tous moyens des solutions pour enrayer l'évasion fiscale. Le Conseil Constitutionnel, protecteur des droits et libertés des citoyens vérifie que ces droits et libertés soient bien respectés face à cet élan de créativité.
La loi Sapin 2 prévoyait en son article 137 la création de nouvelles obligations déclaratives publiques pour les sociétés dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 millions d’euros.
Ainsi, devaient être déclarés, dans un rapport annuel accessible gratuitement au public sur internet, pour chacun des Etats membres de l’Union européenne dans lesquels les sociétés exercent leur activité, le nombre de salariés, le montant du chiffre d’affaires net, le montant du résultat avant impôt sur les bénéfices, le montant de l’impôt sur les bénéfices dû, le montant de l’impôt acquitté accompagné d’une explication sur les discordances éventuelles avec le montant dû, et le montant des bénéfices non distribués.
Toutefois, le 8 décembre 2016 le Conseil Constitutionnel a déclaré cet article 137 comme étant contraire à la constitution puisque l’obligation prévue portait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard de l’objectif poursuivi.
En effet, l’obligation était de nature à permettre à l’ensemble des opérateurs qui interviennent sur les marchés où s’exercent les activités des entreprises, et en particulier à leurs concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale.
Cette censure n'est pas sans rappeler celle opérée par le Conseil Constitutionnel le 21 octobre 2016 concernant l'article 1649 AB 4° du CGI relatif à la création d'un registre des trusts accessible au public. Le Conseil estimait que ce registre était contraire à la constitution dans le sens où le registre étant public, portait une atteinte disproportionnée à la protection de la vie privée au regard de l'objectif poursuivit étant la lutte contre la fraude fiscale.
D'ailleurs, sur votre espace impots.gouv.fr (à l'heure où cet article est publié) vous pouvez apercevoir le lien : Consulter le registre des trusts. Ce registre est inaccessible depuis une ordonnance du Conseil d'Etat du 22 juillet 2016 et l'accès public va donc être supprimé conformément à la décision du Conseil constitutionnel.
En conclusion
La lutte contre la fraude fiscale engendre nécessairement un besoin de transparence. Toutefois cette transparence ne doit pas passer obligatoirement par un accès public aux informations déclarées par les contribuables. C'est bien cet accès public que le Conseil Constitutionnel considère comme disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis. Pourquoi rechercher absolument un accès public ? Seule l'Administration fiscale devrait pouvoir accéder à ces informations dans le cadre de sa mission, et cela dans un souci de respect de la vie privée et de la liberté d'entreprendre.