Comme expliqué lors de l’introduction, certaines entreprises utilisent les différences qui existent entre les régimes des États pour réduire leur taux d’imposition mondial.

La directive de lutte contre l’évasion fiscale proposée par la Commission européenne prévoit 6 grands principes qui permettraient d’empêcher l’évasion fiscale.

Le premier de ces principes consiste à prévenir les transferts des bénéfices vers des pays à fiscalité faible ou nulle. Cette mesure permettra à l’État membre dans lequel la société mère est située d’imposer les bénéfices que cette dernière place dans un pays à fiscalité faible ou nulle. Cette mesure sera appliquée dès lors que le taux d’imposition effectif dans le pays cible est inférieur à 40% de celui de l’État membre concerné. La société obtiendra un crédit fiscal correspondant aux impôts effectivement payés dans le pays cible.

Le deuxième principe est la règle du « switch-over » qui permet d’éviter la double non-imposition de certains revenus. En effet, les dividendes par exemple sont très souvent exonérés d’impôt afin d’éviter toute double imposition. Certaines entreprises utilisent cette exonération pour bénéficier d’une double non-imposition (dans le pays de distribution des dividendes et dans le pays du bénéficiaire). Cette règle instaurera l’obligation pour les entreprises de déclarer aux autorités fiscales des États membres qu’elles ont reçu un dividende et si elles ont été imposées ailleurs ou non sur ce dividende. Il sera alors possible de refuser l’exonération de l’impôt si le revenu a été imposé à un taux faible ou nulle dans le pays tiers. Au cas contraire, l’entreprise bénéficiera d’un crédit pour l’impôt qu’elle aura déjà payé.

Le troisième principe consiste à empêcher les entreprises de délocaliser leurs actifs dans le seul but d’éluder l’impôt. Le problème visé est lié au fait que certaines entreprises déplacent leurs actifs, notamment les actifs incorporels tels que les brevets, de valeur élevée des États membres vers des pays à fiscalité faible ou nulle afin d’éviter de payer des impôts sur les plus-values lors de la revente desdits actifs. La Commission propose que tous les États membres appliquent une taxe de sortie sur les actifs transférés hors de leur territoire.

Le quatrième principe permet de limiter les intérêts déductibles afin de décourager les entreprises de mettre en place des montages d’endettement artificiels. En effet, les intérêts sont en principe fiscalement déductibles et les groupes n’hésitent pas à endetter une sociétés situé dans un pays à fort taux d’imposition afin de diminuer ses bénéfices et les transférer sous forme d’intérêts à une autre société du groupe situé dans un pays possédant un taux d’imposition faible ou nulle. Le montant des intérêts déductibles serait donc limité en prenant pour base un ratio fixe de ses bénéfices. En France il existe déjà une limitation à la déductibilité des intérêts dans le cadre du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation.

Le cinquième principe tend à empêcher les entreprises d’exploiter des asymétries nationales pour éluder l’impôt. En effet, la qualification juridique de revenus ou entités pourtant identiques d’un point de vue économique peut  varier selon l’interprétation des différents États. Il s’agit des instruments financiers hybrides ou des entités hybrides. La directive propose qu’en cas d’asymétrie, la qualification juridique donnée à un dispositif ou à un instrument hybride par l’État membre d’origine du paiement soit appliquée par l’État membre de destination.

Le sixième et dernier principe vise à lutter contre la planification fiscale agressive quand d’autres règles ne s’appliquent pas. En effet, les entreprises qui se livrent à de la planification fiscale agressive cherchent en permanence de nouveaux moyens pour contourner les dispositions de lutte contre l’évasion. La directive propose une règle anti-abus générale qui vise les montages fiscaux artificiels lorsqu’il n’existe pas d’autre règle anti-abus applicable spécifiquement à un tel montage. Pour reprendre la qualification faite par la Commission européenne, cette règle anti-abus serait en quelque sorte « un filet de sécurité ».

Cette sixième mesure nous inquiète tout particulièrement car il nous paraît difficile d'établir les frontières entre des structures mises en place dans des buts économique qui par nature, sont souvent proches de certains montages a but exclusivement fiscal. Dans ces conditions, comment s'assurer que telle ou telle structure ne tombe pas dans ce filet de sécurité ? Il en ressortirait donc une grande incertitude et insécurité fiscale. Il nous semble donc délicat de mettre en place un tel filet sans compromettre les droits des contribuables... Affaire à suivre !

L’ensemble de ces mesures visent donc à assurer une imposition effective au lieu de réalisation du profit par les entreprises.


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